Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05 janvier 2011

Escape-landscape

Dans une petite ville de province sans autre intérêt que celui qu’on veut bien lui prêter, on détruisit un jour un square minuscule pour construire une gare routière. Des arbres maigrichons mais gracieux furent empilés avec de vieux bancs publics dans la benne d’un camion.

squaregare.JPG

Un poète à qui l’idée d’écrire un poème ne serait pas venue mais qui savait très bien prendre des photographies avait réuni dans un album, peu avant la destruction, des images du square.

Je relate ceci, croyez-moi, sans la nostalgie poisseuse en vogue ces derniers temps. Non. C’est juste une histoire de lumières pâles dans le soir bleu et de quelques piétons un peu plus attentifs que d’autres aux paysages qu’ils frôlent de leur pas le plus banal. Juste une histoire de paysage remplacé par un autre paysage où se croisent sans se voir des passants, un poète-photographe et encore d’autres passants.

Adulte, je traverse parfois l’étendue de la gare routière. Enfant, adolescent, je coupais souvent par le petit square et, entre ces deux époques (ou entre ces deux lieux), il y a quelque chose  que je ne peux pas décrire mais qui existe pourtant avec force. Quelque chose qui pourrait peut-être se nommer en langue étrangère dans mon esprit lorsque je tourne les pages de l’album photographique. Quelque chose qui pourrait se traduire par « escape-landscape » et qui chante en moi.

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002, épuisé.)

Photo : Oyonnax, le petit square disparu, place de la gare, 1973.

01 janvier 2011

Aventure de la nuit de la Saint-Sylvestre

En clin d'œil à Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, et pour saluer l'an nouveau.

La lumière s'éteignit sur la moitié de la ville.

D'un côté, on eut peur du noir et de l'autre, on eut peur de ceux qui avaient peur du noir.

lustreopéra.JPG

Dans l'obscurité, les étoiles brillèrent plus fort et plus nombreuses et j'en conçus, dehors le nez en l'air, l'éveil d'un rêve aussi vaste que l'aile d'un ange.

Combien de temps cela dura-t-il ? Pourquoi le dire ?

Dans un ballet de camionnettes, on répara très vite car je n'étais probablement pas le seul à m'être délecté du survol de ce songe.

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002, épuisé.)

Photo : à l'opéra de Lyon, pendant l'entracte.

02 novembre 2008

Qu’un oiseau, qu’un simple oiseau

 

guenot2.JPG

— une seule pie — soit dépositaire du vol, du franchissement du monde auquel je suis, moi, jeune humain, rivé, n’est-ce pas incroyable ?
Les formes de vie les plus infortunées pourraient se gausser de mon absence de libre arbitre, jusqu’au voile de Chine qui tourne dans son bocal sur le comptoir du buffet de la gare.
La seule distraction de cet être étrange, au milieu de ses huit cailloux, se résume aux variations du jour. Il s’en contente cependant car la porte-tambour qui déroule son ruban d’aigres voyageurs ne signifie rien pour lui.
Pour moi, en revanche, cette porte peut s’avérer lourde de menaces ou claquante d’espoirs selon le sens dans lequel elle bascule.

Extrait de : Le Grand variable, éditions Éditinter, épuisé.

Dessin de Frédéric Guenot.